Je trouve qu’oser le minimalisme est encore plus difficile et rare depuis l’avènement du digital¹.

On sait bien, depuis très longtemps, que ce n’est pas la quantité de travail qui fait l’Art mais le résultat.

Pourtant on reste influencé (je reste influencé) par la quantité de critiques sur le travail fourni bien visible, comme une preuve d’engagement et de savoir-faire de l’artiste.

On touche là, bien sûr, au complexe de l’imposteur. Qui, dans l’Art, a la particularité de ne pas seulement être intériorisé mais d’être balancé à la figure de l’artiste ouvertement, par tous.

Quand on est du coté des créateurs, on a beau savoir que la simplicité est un aboutissement, le résultat d’un travail immense, et que la complexité est au contraire la facilité², servant bien souvent à cacher l’absence de travail ou de réflexion, on est quand même cabossé par les 90% des gens qui vont dire : “ah bah oui, juste un trait, moi aussi je peux le faire !”

Les Arp, Hepworth, Noguchi, Brancusi et autres Moore osaient cela.

Mais quand-même, ils compensaient leurs formes simplissimes et magnifiques par l’utilisation de matériaux nobles et difficiles à sculpter.

Cela influence la plupart des créateurs du digital qui se sentent obligés de réaliser des formes complexes et des rendus photographiques hyperréalistes à grands renforts de textures métalliques ultra crédibles et d’installation de leurs sculptures dans des photographies de lieux réels pour nous faire croire à leur existence “matérielle”.

Prouver leur technicité, leur savoir-faire.

Faire oublier que c’est virtuel.

Singer.

Je pense que c’est pour cela que la démarche des artistes cités plus haut n’a pas été poursuivie jusqu’à maintenant dans le digital³.

alors que celui-ci ouvre la voie à tout un univers de possibilités, passionnant et inexploré, qui mérite de réouvrir leur champ de recherche.

Je vais donc quand même oser, en me décidant enfin à surmonter ma propre intégration des discours critiques et à réaliser cette direction que je porte en germe depuis des années.

1. Oui, je préfère toujours le mot “digital” à “numérique”. ↩︎
2. D’ailleurs il est intéressant de noter que l’hyper-complexité va peut-être perdre tout son intérêt en tant que preuve de travail parce qu’elle est brusquement devenue très facile techniquement, à la portée instantanée de toutes les IA génératrices d’images et que c’est dans cette direction que se jettent 99% de leurs utilisateurs.
   Le minimalisme ne serait-il pas tout ce qu’il reste à explorer depuis l’arrivée des IA ? ↩︎
3. Pas de minimalisme dans la 3D, à ma connaissance ! ↩︎