L’énergie prend obligatoirement une forme.
L’énergie est le sujet ultime, la question la plus en amont de toutes les autres. Pourquoi, avec le Big Bang, une énergie incommensurable explose et prend forme, en faisant immédiatement naître l’espace, le temps, la matière et le mouvement (4 éléments totalement indissociables les uns des autres) ?
Cette énergie est à la source de tout et reste aussi fascinante quelle que soit l’échelle à laquelle on l’observe.
Elle peut notamment s’exprimer par nos mouvements (qui se déploient dans le temps et dans un espace). Et peut alors transformer de la matière, s’y inscrire, y laisser une trace.
Mais si l’énergie a une forme, est-ce que la forme a une énergie ?
Peut-on enregistrer l’énergie du mouvement ?
Peut-elle être transmise à travers le pinceau, enregistrée sur le support et enfin, ressentie ?
Le tableau contient-il l’énergie qui l’a généré ?
Même si le mouvement est arrêté, fixé (comme la musique dans le sillon d’un disque vinyle), soit l’énergie perdure parce que la forme EST l’énergie qui l’a générée, soit notre corps fait office de décodeur et d’amplificateur. Soit un peu des deux !
En tous cas “quelque chose” est indéniablement ressenti. Des sensations simples de force, de douceur, de brutalité, de confiance, d’hésitation, de retenue, etc., sont ressenties dans le trait, la couleur, la composition d’un dessin ou d’une peinture.
Mais peut-on considérer que des informations bien plus fines et riches sont aussi transmises, inconsciemment ?
C’est l’idée du Tao lui-même, qui, si l’on est en état de “De”, passera librement à travers le mouvement, puis vibrera chez celui qui regarde le tableau.
Lâcher prise pour laisser s’exprimer le Tao.
Au delà des choix conscients que l’artiste effectue (couleur, type d’outil et de support, vitesse et forme globale du mouvement), c’est l’imprévu, ce qui va apparaitre et le dépasser, qui compte.
Ainsi, par exemple, je décide d’une contrainte faible : faire des lignes. Mais je choisis de ne surtout pas trop les maitriser pour y laisser pleinement vibrer la vie.
Et d’aller vite ! La vitesse d’exécution de ces traits rend impossible de prévoir exactement ce qu’il vont être.
Ne pas laisser au mental le temps de contrôler.
Comme disait Olivier Debré : “Quand je cherche à faire beau, je rate.”
C’est dans le lâcher prise et l’imprévu du mouvement que le Tao viendra s’exprimer.
Comme dans les arts martiaux.
Comme dans toute la philosophie du Tao.
Placer l’étude de l’énergie au cœur de la recherche, et non plus l’esthétique.
L’esthétique ou le sentiment de beau ne seront plus alors qu’une conséquence, le résultat d’une énergie intéressante.
Voir également l’article de mon exposition “Feel the Force”